Les spectaculaires Gorges du saut du tigre, situées à 100 km au nord de Lijiang, sont traversées par le fleuve Yangzi, descendu des hauteurs du Tibet. Elles sont considérées comme les plus belles et les plus profondes de Chine. Leur nom provient d'une légende selon laquelle un tigre aurait franchi d'un bond le Yangzi pour échapper à un chasseur.
Nous avions prévu de faire cette randonnée sur deux jours en compagnie de Renata, une sympathique mexicaine que nous avions rencontrée quelques jours plus tôt à Dali lors de notre excursion autour du lac Erhai et que nous avions recroisée la veille par hasard dans les rues de Lijiang, alors qu'elle s'était perdue.
Une fois que notre bus nous a déposés au village de Qiaotou, ça n'a pas vraiment été une surprise pour nous de ne trouver aucun panneau indiquant la direction à suivre et puisque personne ne savait nous indiquer le départ de la marche, il nous aura fallu près d'une heure avant de trouver enfin le bon chemin. Attention, le panneau en introduction se trouve au beau milieu de la marche, à côté de la Naxi Family Guesthouse, et non pas au départ comme la logique l'entendrait…
Une fois sur le bon sentier, nous étions partis pour 8 heures de grimpette dans un décor époustouflant! Si vous vous souvenez, je souffrais d'une terrible intoxication alimentaire contractée à Lijiang et je n'avais pratiquement rien avalé depuis 36 heures. Cependant, les trois premières heures de montée n'ont pas été aussi difficiles que je ne le craignais.
Par contre, une fois arrivé au bas des fameux 28 lacets, je n'avais littéralement plus la force de faire un pas de plus! J'avais beau insister et serrer les dents, mais toute la volonté du monde n'était pas suffisante à me faire avancer… Cindy avait anticipé le coup et avait déjà signalé un peu plus tôt à un brave chinois et son mulet que je risquais d'avoir besoin d'un coup de main. Je ne voulais tout d'abord pas en entendre parler, mais j'ai finalement dû me rendre à l'évidence: j'allais devoir monter sur un mulet si je voulais arriver un jour au bout de cette marche…
Je n'ai pas eu le même mérite que Cindy et Renata, mais je n'en ai pas moins savouré la vue splendide qui s'offrait à nous une fois ces satanés lacets franchis. Les sommets des montagnes en face de nous culminaient à plus de 5000 mètres d'altitude.
Comme mon mulet était une flèche, je suis arrivé bien avant les filles et j'ai du coup eu un peu de temps pour me reposer. De là, il nous restait encore près de 4 heures de marche pour arriver jusqu'à notre auberge, mais le sentier longeait désormais la falaise en pente douce et nous étions tous portés par la splendeur des paysages! Nous étions nez-à-nez avec les parois rocheuses des montagnes.
Nous avions choisi d'éviter la Half Way Guesthouse parce que les propriétaires ont la mauvaise réputation d'arnaquer les voyageurs en abusant de leur situation idéale à mi-parcours de la randonnée. Nous avons donc marché une petite demi-heure de plus jusqu'à atteindre la Five Fingers Guesthouse qui est sans doute la pension la plus authentique de la région. C'est probablement aussi la plus rudimentaire. Pour ceux qui connaissent, les toilettes consistent simplement en une gouttière et un saut d'eau et les douches se résument à un tuyau accroché au mur avec de la ficelle. Mais nous avons eu de l'eau chaude et le propriétaire qui ne parlait bien sûr pas un seul mot d'anglais nous a préparé un délicieux rösti (enfin la version chinoise du rösti) qui m'a bien requinqué! Je n'ai pas osé goûter à son thé par contre…
Le lendemain nous nous sommes remis en route de bonne heure afin de ne pas louper le seul bus qui partait pour Shangri-La dans l'après-midi. Les paysages étaient encore plus sublimes aux premières lueurs du jour et nous avons pu en profiter pleinement sans aucun autre touriste à l'horizon! Seul un troupeau de chèvres (en fait celui de l'auberge où nous avions dormi la veille) nous accompagnait.
Après deux bonnes heures de balade, nous avons vite pris un petit déjeuner au Tina's Guesthouse. Certes le gros bâtiment moderne défigure un peu les gorges, mais nous avions besoin d'énergie avant d'attaquer la descente à pic vers la rivière Yangzi par le vieux chemin des échelles. Eh oui, c'était si raide qu'il fallait régulièrement descendre des échelles parfois de plus de 20 mètres de long et le reste du temps les marches étaient gravées à même la falaise. Autant dire que nous avons versé quelques grosses gouttes de sueur et ce n'était pas dû à l'effort…
Une fois arrivés au niveau du fleuve, une "plateforme" d'observation permettait de profiter de ce spectacle très impressionnant. Les falaises vertigineuses de chaque côté nous donnaient l'impression d'être vraiment minuscules.
Il était possible de se rendre sur un deuxième rocher un peu plus loin, accessible par deux ponts. Une personne était postée devant le premier et demandait une petite contribution pour le franchir. Malheureusement, c'est une pratique courante sur cette belle randonnée! Nous avons régulièrement été embêtés par des chinois qui se postaient aux endroits stratégiques et demandaient de l'argent pour nous laisser emprunter une échelle, un pont ou simplement prendre une photo. Cela était d'autant plus ennuyeux que nous avions déjà été forcés de payer une taxe au départ afin de pouvoir faire cette marche. Nous nous étions d'ailleurs fait insulter la veille par une mamie chinoise car je l'avais un peu bousculée pour prendre une photo à un endroit qu'elle "gardait". Cette fois-ci, j'étais trop épuisé pour discuter et je me suis donc acquitté de la taxe. C'est là que le comble de la sournoiserie m'a frappé: une autre personne cachée attendait près du deuxième pont demandant un droit de passage deux fois plus élevé que le premier! Ayant cru à une blague j'ai essayé de forcer un peu le passage, mais ce gardien allait apparemment en venir aux mains si je faisais mine de continuer. Puisqu'il était exclu que je donne le moindre centime à ce malhonnête, je suis descendu sous le pont pour escalader le rocher de l'autre côté. Au final, la vue n'était pas plus belle qu'au premier endroit…
Après avoir admiré ces belles gorges depuis tout en bas, il nous a fallu un peu plus d'une heure de montée à pic afin de regagner l'arrêt de bus. Une fois au sommet, Renata s'est effondrée sur un rocher en promettant de ne plus jamais se faire souffrir intentionnellement dans le futur. Quant à nous, nous avions six jours pour nous en remettre avant de nous lancer à l'assaut des forêts de Jiuzhaigou, également situées à plus de 4000 mètres d'altitude…