Nous y voici enfin! Le rêve de tout voyageur, l'île la plus éloignée de tout continent, l'un des plus grands mystères de l'humanité, un petit grain de terre semblant tombé tout droit d'une autre planète… Nous étions arrivés sur Rapa Nui!
Pour notre première après-midi sur place, nous avons malheureusement eu droit à un temps pour le moins mitigé. Nous en avons donc profité pour nous installer confortablement dans notre tente, retirer quelques pesos chiliens et aller chercher nos passes de visite pour cinq jours. Sur le chemin, nous avons quand même pu voir notre premier moai et des grottes ornées de pétroglyphes aux abords d'une mer déchaînée.
Le lendemain matin, nous étions vraiment impatients de découvrir les innombrables richesses de l'île, mais comme la météo était annoncée bien meilleure pour les jours suivants, nous avons décidé de repousser encore un peu la location d'une voiture. Nous sommes donc partis explorer à pied tout ce qui était accessible à proximité du petit village de Hanga Roa, avec notre copain Johann que nous avions rencontré à Huahine. Nous avons commencé par une marche de 90 minutes qui nous a menés au sommet du très beau volcan de Rano Kau. Son cratère mesure un kilomètre de diamètre et son fond plat est recouvert de petits lacs changeant de couleur au cours de la journée en fonction de l'ensoleillement. Nous sommes restés tellement longtemps à contempler ce spectacle presque surnaturel que les nuages se sont dissipés pour notre plus grand plaisir!
De l'autre côté du cratère, le village cérémoniel d'Orongo s'inscrit dans un cadre des plus spectaculaires en surplombant plusieurs petits motus dans les eaux bleues cobalt de l'océan Pacifique. Orongo était le centre de culte dédié au Dieu Makemake. C'est ici qu'était désigné l'homme-oiseau au cours d'une épreuve épique. En effet, pour gagner ce titre ainsi que tous les honneurs qui vont avec, les prétendants devaient plonger de la falaise en évitant les rochers en contrebas, nager jusqu'au motu en contournant les requins et les courants extrêmement violents, récupérer l'oeuf d'un oiseau rare et escalader les cent mètres de falaise sans briser le cocon. Le premier arrivé remportait le titre et un moai était alors érigé en son honneur.
Après cette visite instructive, nous avons pris le temps de nous balader dans le très charmant village de Hanga Roa, qui est par la même occasion le seul de l'île… Avec son port pittoresque, ses petites plages toutes simples incitant à la baignade, ses ruelles bordées de jolies boutiques de souvenirs, son église au style unique et ses quelques sites archéologiques éparses, cette petite agglomération de 7000 habitants constitue une base idéale pour visiter l'île de Pâques.
A une trentaine de minutes de marche du centre-ville, le très photogénique site d'Ahu Tahai rassemble trois plateformes surmontées de moais. C'est ici que se trouve le seul moai doté à la fois d'yeux et d'une coiffe!
Le site revêt toute sa splendeur au coucher de soleil, lorsque celui-ci disparaît doucement derrière les cinq moais alignés et que le ciel se pare d'un voile rose.
Pour notre troisième jour, le soleil était au beau fixe et nous nous sommes donc empressés d'aller louer notre 4×4 pour partir enfin découvrir les sites spectaculaires de l'île! Mais la joie aura été de courte durée! En effet, à peine quelques kilomètres en dehors du village, nous avons rencontré un barrage avec des locaux équipés de plumes et de tuniques traditionnelles qui nous ont expliqué qu'ils allaient bloquer l'accès à tous les sites archéologiques pour une durée indéterminée. Ils revendiquaient en fait plus de reconnaissance pour les vrais descendants de Rapa Nui et voulaient que le gouvernement chilien réglemente l'immigration sur l'île pour ne pas que les habitants du continent viennent voler leur terre et leur travail. Apparemment, prendre les touristes en otage est la meilleure solution qu'ils aient trouvée pour se faire entendre. Malheureusement, avec les inondations dévastatrices qui sévissaient au Nord du pays, le volcan de Villarica qui menaçait d'exploser au centre et les incendies au Sud, le président chilien avait d'autres problèmes plus importants à gérer…
Après avoir tenté de parlementer avec eux, de forcer un peu le passage et d'emprunter toutes les petites routes annexes en terre pour être confrontés à chaque fois au même discours, il fallait bien nous rendre à l'évidence… Nous avons décidé de retourner notre véhicule et sommes allés nous équiper de nos chaussures de marche pour tenter de découvrir un bout de la côte Ouest à pied. La route n'étant pas praticable en voiture de ce côté-ci de l'île, les locaux avaient renoncé à y installer un barrage. Nous étions partis pour huit heures de marche sous un soleil de plomb au milieu d'étendues arides bordées de falaises à pic. Nous n'avons pas trouvé grand-chose à nous mettre sous la dent le long de la côte, si ce n'est une grotte s'ouvrant sur l'océan, ainsi qu'une caverne.
Au terme de cette marche éprouvante, nous avons enfin atteint le très beau site d'Ahu Akivi au pied du mont Terevaka. Il s'agit du seul lieu sur l'île où les moais sont tournés vers la mer. En raison du blocus, nous avons été la seule compagnie de ces sept statues alignées ce jour-là: un moment de pur bonheur!
Nous avons terminé la journée en allant voir le spectacle de danse traditionnelle Kari Kari. Un divertissement de très grande qualité que nous avons beaucoup apprécié!
Au réveil du quatrième jour, nous avions entendu dire que les manifestants devaient normalement ouvrir les accès aux touristes vers midi. Nous sommes donc allés récupérer notre 4×4 plein d'espoir, mais arrivés au niveau du barrage, rien n'avait changé… Dans le doute, nous avons quand même patienté sur place pendant près de deux heures, mais sans le moindre succès. La colère commençait gentiment à s'ajouter à notre frustration! Ils étaient bien gentils avec leur manifestation, mais nous n'avions pas prévu de retourner sur l'île de Pâques de si tôt et nous voulions voir ces fameux moais!!!
Nous n'avions pas d'autre choix que de nous rabattre sur quelques sites mineurs devant lesquels les barrages avaient été levés. Le principal était Ahu Vinapu, une plateforme cérémonielle comportant plusieurs moais renversés. Ces quelques moais dispersés parvenaient à peine à nous consoler à l'idée de tout ce que nous étions en train de manquer.
Le lendemain matin, comme il s'agissait de notre dernière journée sur l'île, nous étions résolus à trouver une solution par n'importe quel moyen pour aller voir les trois sites majeurs de l'île! Nous nous sommes donc levés trois heures avant le lever du soleil pour rouler jusqu'au barrage qui nous avait semblé le moins bien surveillé la veille et en procédant rapidement et silencieusement, nous avons réussi à baisser les barrières sans nous faire remarquer pour passer de l'autre côté avec notre 4×4! Ouffff! Ensuite il a fallu nous cacher sous la pluie en attendant encore deux heures que le jour se lève avec la crainte permanente que quelqu'un nous repère et nous demande de sortir de la zone bloquée… Heureusement, nous sommes passés entre les gouttes et avons finalement eu le droit de contempler le lever de soleil sur le monumental Ahu Tongariki. Avec ses quinze imposantes statues, il s'agit du plus grand ahu jamais construit. Nous n'avons eu à partager ce moment magique qu'avec deux canadiennes qui avaient échappé au barrage en partant à vélo à 4h du matin! Nous avons particulièrement savouré l'instant!
A quelques kilomètres de là, au pied du volcan Rano Raraku, se trouve la carrière des moais. C'est là qu'ils étaient sculptés avant d'être amenés aux quatre coins de l'île à l'aide d'une technique inconnue encore à ce jour et qui anime les plus folles théories. C'est sans doute le site le plus photogénique de Rapa Nui et nous avons eu la chance de l'avoir pour nous tout seuls! Même le soleil semblait vouloir nous féliciter de nos efforts en nous faisant l'honneur de sa présence! Déambuler au milieu de ces géants abandonnés sur le flanc d'un volcan est vraiment une sensation incroyable.
Au terme de cette visite exceptionnelle, nous sommes rapidement retournés auprès de l'Ahu Tongariki afin d'admirer les 15 moais sous le soleil.
Nous avons ensuite longé la magnifique côte sauvage au Nord de l'île, en nous arrêtant aux pétroglyphes de Papa Vaka.
Un peu plus loin se trouve la sublime plage de sable blanc d'Anakena qui forme un arrière-plan parfait pour l'Ahu Nau Nau composé de sept moais érigés au milieu des palmiers. A noter que ces cocotiers sont les seuls de l'île et ont d'ailleurs été importés de Tahiti!
Ce fut un agréable dernier moment de détente avant de rentrer au camping, le coeur léger. Certains se demanderont probablement comment nous avons fait pour passer le barrage dans l'autre sens… Eh bien disons qu'il a fallu raconter un gros mensonge et beaucoup gesticuler en formulant quelques mots d'espagnol de manière assez incohérente. Toujours est-il que cette expédition nocturne aura décidément sauvé notre séjour sur l'île de Pâques! Il ne nous restait donc plus qu'à empaqueter à nouveau nos affaires pour rejoindre le continent. Notre premier aperçu de l'Amérique latine laissait présager de grandes aventures pour les mois à venir…
Mais salut les amis Suisse ! C'était quand même un jeu d'enfant de passer ce barrage !! 🙂 gros bisous et attention aux volcans… Vous portez vraiment la poisse vous 😀
Même Tintin n'y est pas allé. Vos aventures, palpitantes!
Les photos des 15 moais sont impressionnantes et magnifiques! Mais vous aussi vous êtes très photogéniques !